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8 janvier 2010 5 08 /01 /janvier /2010 20:22

Il était une fois un  lion grognon. Non pas qu’il n’ait été grognon qu’une seule fois, mais c’est le seul lion que j’ai connu grognon de la sorte. Lionceau déjà, ce petit là avait quelque chose d’un peu décalé. Son papa, pourvu d’une descendance mâle, avait cru que ce serait une gentille petite lionne qui lui viendrait. L’avait-il seulement cru ou bien voulu ? Le lionceau ne le comprit jamais. Il était le troisième de quatre petits lions. Cela ne lui permit ni d’être celui des premiers étonnements,  ni celui des premières habitudes, ni enfin celui des dernières attentions. Il avait un caractère ombrageux, se protégeant par la colère des ses déceptions et de ses craintes. Il avait beau être un lion, on ne lui vit jamais cette arrogance farouche, cette force brute qui sont l’apanage de ses congénères. Il a, en fait, poussé bien plus de coups de gueule qu’il n’a porté de coups de griffes, si ce n’est peut-être à ceux qu’il aimait. Il était indéniablement de son clan, son poil tout autant que son faciès en faisait foi,  on reconnaissait en lui tel ou tel trait hérité de ses  parents et grand-parents.

 

Ce qui le singularisait, c’était cette boule qui le prenait à la gorge ou qui lui tordait les boyaux à s’en rendre malade. Il n’était pas un redoutable prédateur, de ces terribles guerriers des sables qui traquent et tuent avec  mâle assurance et insouciance. Il se montrait plutôt pataud, sans trop de mordant, plutôt emporté et rancunier que véritablement hargneux. Fût il rassasié un jour tant le creux de ses entrailles le taraudait toujours ?

 

Lentement, il lui fallut pourtant renoncé au confort de la horde. Il se sentait une charge pour sa famille et avait pris très au sérieux l’annonce rugissante de son père qui lui prédisait qu’il le chasserait du clan à l’âge adulte. Pourtant, l’âge arrivé, il était prêt, accompagné d’une petite lionne dont il était tombé amoureux à l’école de la savane. Avec elle, tout ne changea pas de sa façon de mêler l’inquiétude à l’amour, la récrimination au doute,  le cri de colère à l’appel à l’aide, mais il n’était plus seul et, mieux encore, il avait été désiré sans avoir caché rien de ce qu’il était.  Malgré ses airs bougonnants, le lion était fait d’une âme complexe, ébréchée,  à peine protégée par une peau sensible.

 

Ils étaient tous deux partis sur d’autres terres, sur des terrains de chasse éloignés, mais sans pouvoir, ni l’un ni l’autre, passer plus de quelques semaines sans rendre visite à leur horde native. Lion et lionne étaient, quoiqu’ils en disent, attachés aux leurs par cette fidélité atavique qui ne permet pas de sentir autrement qu’exil tout éloignement durable.

 

Leur vie de couple, comme tant d’autres choses, échappe à la connaissance du narrateur.  Elle avait peut-être cette rudesse à laquelle oblige la lutte quotidienne, avec des jours d’abondance et d’autres de privation. Mais le lion avait réussi à trouver un territoire qui convenait, par tous ses repères, à endiguer les remous de son âme.

 

 Par un paradoxal jour ensoleillé de printemps, le lion perdit sa mère. Elle s’était soudainement, irrémédiablement, trouvée malade.  Aimée tendrement par les siens, elle a probablement emporté dans sa poussière un peu du cœur de chacun de ceux qui l’aimaient. Sa présence s’est elle  transmise à sa descendance, ou bien aurait elle disparue en même temps que ses yeux à nos yeux ? A chacun sa réponse. Quoiqu’il en soit, la mère lionne ne connut jamais aucun de ses petits enfants. J’ignore d’ailleurs si cette histoire a à voir avec l’accident qu’il adviendra bien après au lion, mais j’imagine qu’un part de son chagrin devint dès lors  irréversible, même si personne ne l’entendait le dire.

 

Le lion devint papa. Sa paternité était  faite d’une joie inquiète, préoccupée à faire au mieux ou au moindre mal, avec la grandeur, la maladresse et les contradictions d’un cœur soucieux et bileux. Le lionceau allait pataud et grandissant, plutôt miaulant que rugissant, avec l’instinct plus doux que sauvage. Le lion craignait de ne pas offrir une pitance du corps ou de l’esprit suffisante, mais c’était spectre plus que réalité. Sa lionne porta bientôt un deuxième rejeton en son sein. Hélas, le lion dût changer de contrée, poussé vers de plus vastes et plus riches territoires.  Malgré l’abondance,  notre lion ne trouvait pas le gîte où pourrait se réfugier sa famille agrandie.  Si le gibier ne manquait pas,  le lion ne se savait pas très habile à la course, le pied plutôt fragile. Il était meilleur chasseur à l’affût, dans les recoins et se sentait décontenancé dans les vastes espaces qui s’offraient, presque béants, à lui.

 

Son second fils venait de naître. Il était temps qu’il retourne sur son nouveau territoire pour trouver à la fois l’abri et la nourriture pour le petit clan dont il était le chef.  Un tronc, posé en travers d’un ravin, surplombait une rivière.  Il voulait traverser.  Fût-il pris d’étourdissement, ébloui par les eaux?  A t il tenté d’un saut de rejoindre l’autre bord ? N’a t il pu revenir sur ses pas ou avancer encore ? L’arbre abattu était vermoulu, l’appui s’est dérobé sous lui, l’emportant dans sa fracture. Rien ni personne n’a arrêté sa chute. On meurt ainsi quand on perd pied.

 

Si l’histoire du lion grognon s’achève ici, celle de sa race et de son clan pourtant se poursuit. Si l’un n’allait pas sans les autres, les autres continuent parfois sans lui.

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8 janvier 2010 5 08 /01 /janvier /2010 07:44

Il fût à une époque un peu hors du temps un étrange royaume où les enfants étaient tous rois, reines, princes et princesses. Leurs parents devaient les servir sans jamais contrevenir à leurs désirs. Nul n’avait aucun effort à faire, les parents servants s’occupaient de tout. Levés et couchés au cœur de la nuit, les serviteurs adultes s’affairaient sans cesse si bien que les enfants pouvaient croire que jamais leurs parents ne dormaient.

 

Un maléfice particulièrement puissant régnait alentours. Tapie au fond d’une grotte sombre peuplée de bestioles monstrueuses, vivait une étonnante sorcière, la magnifique Médula. Elle avait le visage d’un ange, des yeux d’un bleu d’océan au soleil, une chevelure ondulante aux reflets d’or et de diamant. Enfant élevée sans amour,  elle avait étudié les arts occultes par esprit de vengeance. Ses parents, en effet ne l’avait jamais écouté, l’obligeant sans cesse à mille travaux domestiques qu’elle ne pouvait arrêter qu’à l’heure des devoirs où elle usait ses yeux, ses doigts et son esprit  pendant des heures à parfaire son écriture, à aligner des colonnes de comptes et à lire des livres entiers. Enfant unique, elle se sentait si seule et si mal-aimée qu’elle étudia la magie pour inverser les choses. C’est ainsi qu’elle jeta un sort qui transforma les parents en esclaves de leurs enfants et les enfants en tyrans de leurs parents.

 

Bien des enfants qui entendront cette histoire trouveront qu’elle commence fort bien et aucun ne croira qu’il s’agit d’une histoire de malédiction. Ecoutez donc la suite. Il y avait, parmi ces enfants rois une petite fille, que ses parents avaient appelé Perle, qui n’aimait pas qu’on lui obéisse à tout bout de champ. Elle s’était en effet aperçu que rien ne lui manquait jamais, et cela l’ennuyait beaucoup.  En effet, toutes ses amies, comme elle, avaient tout ce qu’elles désiraient, si bien qu’aucune n’avaient jamais le temps de venir tant elles étaient occupées à jouer de leur coté sans plus se soucier de rien ni de personne. Perle n’avait donc plus d’amie, car toutes avaient chez elles toutes les poupées et les jeux qu’elles voulaient avoir.

 

Ses parents eux-mêmes étaient si occupés à la servir qu’ils n’avaient même plus le temps de la regarder et pas plus de lui parler ou de l’écouter, sinon pour obéir à ses caprices. Mais tout cela était lié au sortilège qui avait privé de sa liberté tous les habitants du royaume.

 

Perle était malheureuse. Il n’y avait personne pour rien lui apprendre, personne pour la prendre affectueusement dans ses bras, personne pour jouer avec elle. Perle décida donc de voyager à travers son royaume pour comprendre ce qui se passait.

 

Elle entra dans une première ferme. Deux enfants jouaient par terre, chacun à un bout de la pièce, avec à ses genoux le père pour la fille et la mère pour le garçon. Le papa devait jouer à la poupée et la maman devait faire le rôle d’un vilain chevalier perdant le combat contre son preux jeune homme de fils. Perle leur dit alors :

« - Bonjour, je recherche un peu de compagnie pour m’amuser. Je me sentais seule chez moi et mes parents étaient occupés toute la journée à leur travail et à la maison. »

 

Carolina, la petite fille de cette maison, lui répondit :

« - Tu ne vois pas que tu m’embêtes dans mon jeu ? Je suis bien avec mon papa, je n’ai pas besoin qu’il s’intéresse à toi, je le veux que pour moi, même plus pour ma maman. Allez, vas-t-en ! »

 

 De son coté, Tom répliqua :

« - Ma sœur, pour une fois, a raison, ce n’est pas bien de jouer avec les filles, elles ne veulent jamais jouer à la guerre et elles pleurent toujours quand on leur tire les cheveux ou dans on les insulte. Seule maman, comme fille, me comprend et c’est bien comme ça. Rentre chez toi ! »

 

Perle Comprenait bien qu’il y avait souvent un amour spécial qui liait les papas et les petites filles ou les mamans à leur petit garçon, mais elle s’étonnait que, dans certaines familles, cela suffise,  comme il suffisait à d’autres d’aimer leur reflet dans l’eau pour croire avoir trouvé l’amour de sa vie.

 

Elle s’en alla plus loin, entra dans une boutique de jouets tenue par un vieillard aidé de sa vieille épouse. Leurs enfants étaient maintenant devenus des adultes, parents à leur tour, mais quand ils étaient petits, ils avaient exigé tant de jouets que leurs parents se mirent à fabriquer sans arrêt,  pour leurs tyraniques têtes blondes, autant de jouets qu’ils l’avaient pu. Ils en avaient tant faits que leurs enfants n’arrivaient même pas à les user ou les casser tous, et c’est ainsi qu’ils avaient ouvert leur magasin. Ils avaient maintenant largement l’âge de prendre leur retraite et ils ne risquaient pas la pauvreté tellement ils avaient fabriqué et vendu de jouets, mais le sortilège de Médula agissait toujours en eux, les forçant à ne jamais cesser leur travail. Perle vit que les pauvres vieux étaient au bord de l’épuisement et que probablement, si le charme maléfique n’était pas brisé, ils mouraient au travail, mais rien n’y faisait, ils leur fallaient continuer sans fin, victimes du mauvais sort.

 

Perle décida de continuer sa route. Elle arriva devant la grille d’une grande demeure qui semblait désolée. Le jardin semblait à l’abandon, envahi de ronces et de mauvaises herbes. Pourtant, Perle entendait au loin le chant d’enfants, et elle se décida à entrer voir si elle trouvait enfin avec qui jouer. Trois enfants dans un vaste salon, assis autour d’une cheminée crépitante, se balançaient au rythme des flammes. Leurs vêtements étaient déchirés, ils étaient sales et mangeaient les derniers biscuits d’une vieille boîte en ferraille.

 

« Bonjour, dit Perle, où sont donc vos parents ?

- Ils se sont enfuis, dit l’ainé des enfants. Ils ne voulaient plus obéir à nos caprices. Nous ne demandions pourtant rien d’extraordinaire, simplement d’être là, à nos cotés dans tous nos jeux, et de tous les jours nous vêtir de nos plus beaux habits. Ils ont d’abord commencé à être fatigués, puis ils sont devenus grincheux et un matin, ils ne nous ont laissé qu’un mot, un peu d’argent et des boîtes de biscuits.

-          Est-ce qu’il vous manque ?

-          Pas tant que nous aurons des biscuits, mais nos vêtements auraient bien besoin d’être remis à neufs, mais personne ne veut  nous aider, on nous répond que nous sommes un peu trop râleurs, tant pis pour eux, nous avons encore nos biscuits.

Perle, pas plus que les autres, ne souhaitait se mettre au service de ces enfants. Elle poursuivit donc sa route.

 

Sur sa route, elle rencontra un homme et une femme qui semblaient perdus. Elle crut d’abord qu’il s’agissait des parents échappés de la demeure quelle venait de visiter. Mais, voyant les larmes qui griffaient les joues de ce couple et la poupée de chiffon que la mère tenait serrée contre son cœur, elle comprit qu’un grand malheur, le pire des malheurs qui puisse toucher des parents, venaient de frapper ces pauvres erres. Après des jours et des nuits de veille auprès de leur enfant malade,  celui-ci s’était éteint comme le feu,  la chaleur et  la lumière à la fin d’une bougie, laissant ses parents comme dans le noir absolu. C’était encore un petit, un tout jeune enfant qui paraissait sans défense aux yeux de ses parents, emporté par la sauvagerie d’une bête affamée alléchée par l’odeur fraîche de la chair jeune.

« - A qui offrir nos vies maintenant ? » gémissaient ces deux êtres désemparés.

Perle pensa que tant d’amour ne pouvait pas rester inemployé. Elle leur indiqua donc le chemin de la demeure des enfants abandonnés On ne sût jamais si la magie opéra entre ces adultes et ses enfants, mais jamais plus on ne revit les adultes  promener leur chagrins sur les chemins.

 

Mais Perle désirait comprendre pourquoi les enfants étaient les maîtres absolus du monde et pourquoi les parents n’avaient plus leur mot à dire. Les parents savaient pourtant tant de choses apprises le long des ans et les enfants, pleins d’innocence et d’ignorance, étaient incapables de diriger le monde. Leurs conseils n’étaient pas pleins de sagesse, ni même de prudence ; leurs envies obéissaient  plus au vent, à la lumière du jour ou à la couleur du ciel qu’à la logique ou à la réflexion. Les enfants étaient changeants et les parents ressemblaient davantage à la roche solide des montagnes qu’à la neige exposée au feu du soleil.

 

Elle a alors croisé sur sa route une vieille femme. Malgré les rides creusées par le temps sur sa peau, elle souriait sans cesse, appuyée sur le bâton noueux qui lui servait de cane. Son pas était lent, mais assuré.

« - Bonjour, lui dit Perle, peut-être pouvez-vous m’aider, je cherche à comprendre pourquoi je ne suis pas heureuse, chacun est si occupé à son propre pouvoir que personne ne me voit vraiment.

-          Bonjour Perle, répondit la vieille dame

-          Vous me connaissez ? demanda la fillette, surprise que la vieille l’appelle par son nom.

-          Bien sûr mon enfant, je suis la gardienne secrète de ce royaume, celle qu’on invite à tous les baptêmes. Je place un signe secret sur le front des enfants, un signe distinctif sur chacun d’entre les nouveaux - nés. Moi seule peut voir ce signe, malgré le temps qui passe et transforme le corps et le visage, je reconnais chacun ici.

-          Mais qui êtes vous ?

-           Je suis maîtresse de magie. Je dois transmettre mon savoir avant de disparaître dans l’éternité. J’ai eu une première élève, Médula, mais son cœur, plein de rancœur, a transformé la magie en sorcellerie. Mal aimée de ses parents, elle a jeté un sort sur le royaume transformant les parents en esclaves et les enfants en rois et reines sans pitié pour leurs serviteurs.

-          Peut-on renverser ce mauvais sort ? demanda alors Perle, convaincue qu’il fallait que cela cesse.

-          Je n’ai plus la force de l’affronter, dit la vieille fée. Mais si je trouve une nouvelle élève au cœur pur et généreux, il est possible que la magie puisse opérer le changement espéré.

 

C’est ainsi que Perle devient une bénéfique apprentie sorcière. Après des jours et des jours de patient apprentissage, mais bien avant qu’il soit achevé, la vieille femme s’éteignit paisiblement, avec l’assurance tranquille que sa nouvelle élève trouverait en elle toutes les ressources nécessaires à inverser le mauvais sort qui pesait sur le royaume.

 

Le jour vint où Perle partit affronter Médula. Médula se tenait devant la porte de son refuge secret, caché à flanc de montagne. Elle sentait bien qu’une menace s’approchait. Quand elle aperçut Perle au loin, elle comprit immédiatement que cette enfant n’était pas comme les autres. Les enfants, dans le royaume, ne quittaient jamais leurs parents qui devaient les escorter comme leur ombre, toujours prêts à obéir à leur moindre désir, mais Perle n’était pas comme cela. Elle n’avait aucun bonheur à ne plus trouver aucune saveur à rien, quand tout lui venait sans qu’elle ait même le temps d’en manquer, sans qu’elle ait le temps de rêver et d’espérer. Médula sentait donc en cette enfant une force inconnue d’elle. Il n’y avait pas d’esprit de vengeance chez cette enfant, mais un immense espoir, pas de haine pour ses parents, mais l’envie de les voir aussi libres que possible. D’ailleurs, la fillette ne désirait pas tout avoir, mais juste en avoir assez pour pouvoir également partager.

 

Perle arriva devant Médula. La sorcière était prête à tout pour écarter cette pure enfant, mais l’enfant lui souriait.

-          Bonjour, dit Perle, je ne viens pas en ennemi, je viens pour comprendre, comprendre pourquoi votre malheur d’enfant mal-aimée vous a obligé à punir tous les enfants du royaume quand vous vouliez punir, à cause de vos parents, tous les autres parents.

-          Sache, jeune présomptueuse, que les parents sont des gens mauvais. Ils n’ont d’enfants que pour exercer sur eux une tyrannie sans nom. Ils imposent aux enfants mille contraintes en donnant pour toute explication que les enfants ne savent pas encore ce qu’il faut savoir de la vie et qu’ils agissent pour leur bien. Le seul mot que les parents aiment prononcer naturellement, c’est « non ! ». J’ai libéré par la magie tous les enfants de ce royaume de cette injustice, voilà tout, et du es bien à seule à t’en plaindre. Retournes chez toi, occupe tes parents à ton service et laisse moi à ma vengeance.

-          Je le ferais volontiers si cela nous laissait en paix toutes les deux, mais j’ai l’impression que nous n’en sommes pas heureuses. Vous n’êtes plus une enfant, et aucun parent ne vient obéir à vos caprices. Vous êtes plus seule que jamais, prisonnière de votre désespoir. Quant à moi, j’aimerai tant ne pas ne trouver de valeur à rien puisqu’en restant auprès de mes parents envoûtés par votre sortilège, j’ai tellement tout que rien ne me fait plus plaisir. Au lieu de me protéger, de m’aimer et de m’enseigner à affronter la vie qui n’est pas qu’une fontaine inépuisable de bonheur, mes parents ont peur de moi, de mes colères et ils s’épuisent à me servir sans jamais pouvoir ni me sourire, ni me consoler de mes chagrins, ni même sentir de tristesse à l’idée de mon départ mais ressentir plutôt un soulagement. Au lieu de me voir comme leur enfant, le sortilège les fait me voir comme leur ennemi et maître.

-          Mais les parents ne méritent pas le bonheur, seuls les enfants doivent y avoir droit. Répondit avec froideur Médula.

-          Je dis plutôt que tout le monde a droit à un peu de bonheur,  celui qui deviendra un jour parent comme celui qui a d’abord été enfant. Nous sommes en effet tout un, tout au long de notre vie. Le bonheur grandit quand on le partage, ce n’est pas comme un gâteau c’est plutôt comme le savoir. Le bonheur est lié à son absence, comme le jour l’est à la nuit, la vie à la mort ou le texte sur la page de nos existences. Votre colère ne peut pas s’effacer en privant les parents d’un lien solide et doux  avec leurs enfants. Si vous deveniez maintenant une mère asservie par votre enfant, seriez vous vengée de votre enfance ou doublement punie ?

-          Ce n’est pas mon problème !

-          C’est pourtant là qu’il est. Si j’étais votre enfant, à cause de votre sort, vous vous sentiriez aussi mal-aimée qu’au temps de vos première aimée. Si vous levez le sort, vous seriez enfin aimée, et ce serait là la seule revanche qui vous apaiserait. Voulez-vous bien renoncer au malheur en laissant sa chance au bonheur ?

 

Médula ne répondit rien, elle s’enfonça dans l’obscurité de sa tanière. Perle crût distinguer dans le sifflement du vent la triste mélodie des larmes. De longs moments, indécis, s’écoulèrent. Quand Médula réapparut, ses yeux semblaient avoir rougis. Elle dit simplement :

-          Les parents et les enfants sont désormais libres d’essayer de partager le bonheur sans chercher à se le pendre les uns aux autres.

-          Merci, dit Perle. C’est maintenant à toi de prendre la place de la bonne vieille sorcière pour veiller au royaume. Elle t’a aimée comme sa propre fille, au point de te donner le pouvoir magique qui t’avait permis de lancer ton sortilège. Puisque maintenant, tu sais te servir de ton pouvoir sans maléfices, va de famille en famille apprendre aux parents à construire tet partager le bonheur.

 

Depuis, ce royaume vit sans que ni enfants ni parents ne soient esclaves les uns des autres, mais simplement en relation.

 

 

 

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