Un homme dans un coin,
Insanités d’outre tombe,
Folie sur le pavé.
Un homme dans un coin,
Insanités d’outre tombe,
Folie sur le pavé.
La vie est belle comme une torture,
Aussi parfaite qu’une imposture,
C’est un bonheur de chaque instant,
Un grand bonheur qui fuit l’passant
La vie est belle comme un éclat
Qui vient crever les yeux béats,
Un bel éclat bien affuté
Qui vient trancher nos têtes butées.
Jusqu’à l’horreur, la vie est belle
Jusqu’aux tranchées de champs d’bataille,
Dans la folie ou dans le crime.
Comme tous les rêves, la vie est belle
Dans l’injustice et la pagaille,
Chez le bourreau et la victime.
Le billard cabossé de la vie :
les boules s'entrechoquent,
parfois une bille tombe.
Dans le bourbier du pire silence,
Sans retour, ni joie, je m’avance
A chaque pas plus lourdement
Et bien irrémédiablement.
Telle la lumière dans un trou noir,
Attirée, piégée, sans espoir,
Mes mots s’effondrent sur eux même,
Infiniment pesants et blêmes.
Je ne sais plus te dire « je t’aime »,
Ni vraie prière, ni anathème,
Avec les gestes du quotidien,
Avec le tout des petits riens.
Tous ces mots tus assourdissants,
Tous ces non-dits, nœuds coulissants,
Enserrent ma gorge à en mourir
D’un bel amour qu’on laisse pourrir.
Rester sans mot dire ni réponse,
Sans « oui », sans « non », sans réponse,
C’est n’être pas, n’exister pas,
D’une ombre à la nuit pas à pas.
Ma bouche est sépulcre et terreur,
J’y suis dans la tombe et l’erreur
Creusant avec mes dents serrées
Un piège aux mâchoires acérées.
Le profond désarroi
d'un beau prince danois
tenant le regard vide
d’un crâne nu impavide
empare parfois mon corps
à l’idée de la mort.
L’implacable tranchant,
en passant dans ma chair,
mêlera peur et sang
dans l’esprit qui se perd
et hurle un dernier souffle
avant que tout s’engouffre.
J’ai peur de son enfer,
des démons qui déterrent
la mémoire acérée
des serments parjurés,
le reproche sans fin
de mes jours mesquins.
Je voudrais le bonheur,
l’insouciance du dormeur,
du dormeur sans image
pour traverser les âges
d’un temps inéternel,
oublieux, incruel.
Ou je voudrais la paix
d’un beau ciel azuré
et la douceur d’un Dieu
accroché à ses lieux
comme une boule de chaleur,
de lumière et de cœur.
Mais reste l’irrésolu
de ce monde absolu
où s’en vont sans retour
les hommes après leurs jours ;
et reste le désarroi
du beau prince danois.
La crise est une bête sauvage,
un prédateur affamé,
un vampire sorti de nos cauchemars.
Avec brualité elle vient frapper
d'un coup de massue, d'un grand coup de barre,
par derrière, sur nos nuques et nos crânes.
Comme un coup de tonnerre,
comme une gerbe d'éclairs,
elle brûle ou innonde nos maisons.
Il lui faudra tant et tant de victimes,
estropiés ou cadavres,
et surtout la jouissance de faire tant d'agonies.
C'est un feu, une forge,
un creuset, un alambic,
et un nid à phénix.
C’était une petite fille qui jouait dans la rue,
elle est morte aujourd’hui parc’qu’il l’avait pas vue,
Il a roulé trop vite dans cette rue de banlieue
où une enfant perdue achevait d’être mieux.
Et son papa errait des boulots en chômage,
l’était dans sa cité un bronzé de trop d’âge ;
et le corps de sa mère était déjà cassé
par tous les coups reçus les nuits d’alcool volées.
Alors elle vous savez, elle préférait jouer
avec un chiffon sale à l’allure de poupée,
et avec sa poupée, elle était une famille,
sans le noir à la vie qu’y avait dans sa famille.
Et lui c’est pas pareil, c’est pas un fils misère,
il était de ces gens où le confort est frère,
et où l’on est blindé, arborant un portable,
six vitesses et la clim d’une caisse inabordable.
Sa survie l’a quittée dans un éclat de sang,
marquant le chiffon sale d’un silence rouge violent
et faisant du visage de la jolie enfant
une absence trop mortelle à l’image du néant.
Mes poches sont vidées,
vidées depuis longtemps,
il n’y reste pus rien,
pas même un souvenir.
Le pavé sous mon pas,
la nuit autour de moi,
quelques airs dans ma tête,
voilà tout mon bagage.
Ma peau paraît trouée,
trouée per la misère,
tout s’échappe de mes mains,
demain aussi s’envole.
Je deviens un paria
quand je n’ai plus le sou,
condamné au silence,
à la peur, à la honte.
Je ne résiste plus,
mon corps devient fragile,
comme une feuille séchée
que le vent met en miettes.
Je n’ai qu’à espérer
ne plus rien espérer,
ni salut, ni destin,
bien invisiblement.
Je dois être mon sort,
et mon sort seulement,
en ne prenant mon souffle
qu’une fois à la fois.
Monsieur le ciel qui tombe de mon cœur en morceau,
Mes douleurs et mes peines, chaque jour remisées
Derrière le masque gai que j’essaie sans succès,
A chaque battement de cœur, me brisent et me font être.
J’vais vivre encore un peu, à peine moi et vivant.
C’est le temps, le long temps de solitude
Om l’on espère l’espoir pour vivre encore un peu,
A peine mort, à peine vrai, simplement esquissé.
Monsieur mon cœur a peur d’être lâche, d’être beau,
Perdu dans la bonté et dans la sauvagerie,
Entre le jour, la nuit, le doux et le cruel.
J’ai dû le perdre d’antan, le laisser sur la route,
Dans le sein d’une mère, dans les fièvres d’un amour
Ou dans les rêves pourtant où je crois à la vie.
Sommes-nous donc dans l’impasse,
coincés au pied du mur,
comme vaincus de guerre lasse,
craignant feu aux masures ?
M’aimes-tu plus qu’il faut,
Est-ce que je t’aime assez,
Comment va mon ego
Quand nous sommes enlacés ?
Je suis tellement voilé,
comme une roue bancale,
un faux ciel étoilé,
prisonnier à fond d’cale.
Ma liberté n’est pas
Ou bien celle d’un caillou,
Petite pierre à faux pas
Où se meurtrissent les doux.
Je fais plutôt souffrir,
je n’offre plus d’espoir,
quelque chose va périr
dans ces folles déboires.
Mes chaînes sont puissantes
Puisque faites de ma chair,
C’est moi-même qui me hante
Comme un être désert.
L’immense pourriture
De ma conformité
Se donne la devanture
D’un confort tout mité.
L’équipage de fortune
Affronte cet abîme
De lames et d’amertume
De fureur assassine.