La terre en nos mains
Comme la neige au soleil
File entre nos doigts.
La terre en nos mains
Comme la neige au soleil
File entre nos doigts.
Pellicule de conscience
Sur une bulle de matière
Fait de poussière d’étoile
Autant que d’océan,
Je se promène au gré
D’un songe ou d’un mensonge
Tissant sa destinée
Du fil de ses visions.
Qui est je, que sait-je ?
Une collection étrange
De faits et de mémoires
De sens et puis d’insu,
Je émerge d’un flot
Et coure à sa surface
Fasciné des reflets
Qu’il croit tenir en main.
Comment être hors du je
Mi ça, mi autre, mi soi,
Et être pourtant là,
Juste dans un souffle ?
Comment, sans éclater,
Se laisser traverser
Pour être aussi le monde,
Immédiat et média ?
Je ne sait, ça non plus,
Sinon que l’un est l’autre
Et que, sûr, l’existence
Est aussi intérieure.
Un vide, un souffle, présents,
Au centre et alentours
Pour recueillir le monde
Dans le creuset de l’être.
Farandole hasardeuse, arrogante, éperdue,
peuplée de danseurs nus, d’acrobates et de fous,
un caillou nommé Terre s’ébroue dans l’univers.
C’est l’enfant naturel d’un feu peut-être éteint,
tourbillon de lumière et volutes de ciel,
la vie toute petite y naît pour vaciller.
La flammèche sursaute au moindre coup du temps,
elle ne saurait durer si elle n’est intérieure,
si elle ne devient souffle plutôt que seul vertige.
Si on ne prête au cœur, si on ne prête aux mots,
que l’inconstance du vent, que faiblesse et mensonge,
nos pas pris dans la ronde seront sûrs les derniers.
C’était une petite fille qui jouait dans la rue,
elle est morte aujourd’hui parc’qu’il l’avait pas vue,
Il a roulé trop vite dans cette rue de banlieue
où une enfant perdue achevait d’être mieux.
Et son papa errait des boulots en chômage,
l’était dans sa cité un bronzé de trop d’âge ;
et le corps de sa mère était déjà cassé
par tous les coups reçus les nuits d’alcool volées.
Alors elle vous savez, elle préférait jouer
avec un chiffon sale à l’allure de poupée,
et avec sa poupée, elle était une famille,
sans le noir à la vie qu’y avait dans sa famille.
Et lui c’est pas pareil, c’est pas un fils misère,
il était de ces gens où le confort est frère,
et où l’on est blindé, arborant un portable,
six vitesses et la clim d’une caisse inabordable.
Sa survie l’a quittée dans un éclat de sang,
marquant le chiffon sale d’un silence rouge violent
et faisant du visage de la jolie enfant
une absence trop mortelle à l’image du néant.
Le temps file sans relâche
et nos vies s’y résument :
tels la cire en lumière
et l’encens en prière,
les jours passent et consument
nos chairs et nos attaches.
Et nos vieux coeurs d’enfants
ne savent où disparaît
le feu quand il s’éteint ;
il nous paraît si loin
que tout semble en arrêt,
sauf le murmure du vent.
Tout emplis de tristesse,
souvenons alors,
posant dernier baiser,
du visage apaisé
offert malgré la mort
comme un geste de tendresse.
Le cœur et la mémoire
sont l’éclat dans l’absence,
le signe de l’au delà.
En creux, l’empreinte est là
qui garde tout son sens,
en creux, comme l’encensoir.
L’âme d’un enfant, comme un creuset ou une argile,
est le passage où l’amour est indélébile,
c’est un vitrail de cathédrale en pleine lumière,
c’est un roman à peine écrit, à peine ouvert.
L’âme d’un enfant, comme une empreinte ou un reflet,
est à l’image de nos présences à son chevet,
c’est un voilier poussé au large par tous les temps,
c’est l’horizon quand ciel et terre vont s’unissant.
L’âme d’un enfant, ni va t-en guerre, ni vagabond,
est un chemin qu’on ne laisse pas à l’abandon,
c’est une ballade, un paysage à découvrir.
L’âme d’un enfant, ni pour pleurer, ni pour de rire,
est une musique à l’intérieur de notre cœur,
c’est l’adagio et l’ouverture à tout bonheur.
L’idéal n’a pas d’ pied,
Il n’a qu’d’la gueule,
C’est'à moi d’user mes chaussures
et de lui rabattre le caquet.
L'idéal n'a pas d'main,
pas d'corps et pas d'oreille,
c'est'à moi d'avoir des ampoules
pour lui donner un peu de chair.
Mes poches sont vidées,
vidées depuis longtemps,
il n’y reste pus rien,
pas même un souvenir.
Le pavé sous mon pas,
la nuit autour de moi,
quelques airs dans ma tête,
voilà tout mon bagage.
Ma peau paraît trouée,
trouée per la misère,
tout s’échappe de mes mains,
demain aussi s’envole.
Je deviens un paria
quand je n’ai plus le sou,
condamné au silence,
à la peur, à la honte.
Je ne résiste plus,
mon corps devient fragile,
comme une feuille séchée
que le vent met en miettes.
Je n’ai qu’à espérer
ne plus rien espérer,
ni salut, ni destin,
bien invisiblement.
Je dois être mon sort,
et mon sort seulement,
en ne prenant mon souffle
qu’une fois à la fois.